Julien Arnal : l’éclairage doit être indépendant de la rénovation globale du bâtiment

Le Syndicat de l’éclairage rassemble les fabricants de lampes, de matériels d’éclairage pour l’intérieur et pour l’extérieur, luminaires, candélabres, auxiliaires électriques et électroniques, systèmes de commandes et de gestion de l’éclairage et services associés. 50 entreprises sont actuellement adhérentes au syndicat et autant d’unités de production sont présentes sur tout le territoire français, soit 7 000 salariés. Le syndicat représente ainsi plus de 80 % des lampes d’éclairage général vendues sur le marché français et environ 70 % des luminaires fonctionnels ou architecturaux pour l’éclairage intérieur ou extérieur. Le marché français de l’éclairage est estimé à 2,3 milliards d’euros. Son président est, depuis le 16 juin 2017, Julien Arnal. Interview.

Comment le Syndicat de l’éclairage est-il organisé ?

Notre organisme comprend quatre commissions qui représentent une force de propositions et d’initiatives pour construire des positions communes : éclairage extérieur, éclairage intérieur, sources et systèmes.

Le Syndicat de l’éclairage est affilié à la FIEEC (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication), et nos adhérents bénéficient à ce titre des services fédéraux (procédures douanières, conseils juridiques, conseil en communication ou en environnement…).

Le syndicat est également membre fondateur de LightingEurope, dont Lionel Brunet, délégué général du syndicat, est actuellement président. Nous mettons en œuvre un certain nombre d’actions collectives telles que la production de documents – communiqués, déclarations, brochures (notamment les guides de la collection Clé pour Agir en partenariat
avec l’ADEME) –, des statistiques d’évaluation du marché à destination de nos adhérents, la publication de chiffres stratégiques sur l’industrie de l’éclairage – par famille de produits, marché, installations existantes, consommations d’énergie.

Le Syndicat de l’éclairage a également élaboré, en 2018, une « Charte LED » pour les luminaires d’éclairage intérieur et extérieur qui propose une liste de critères de qualité fondés sur les normes de sécurité et de performance environnementale auxquelles se réfère la réglementation. Les adhérents s’engagent à fournir des informations fiables et sincères selon ces référentiels.

Existe-t-il encore des freins à la LED aujourd’hui ?

Non, l’offre aujourd’hui est quasi exclusivement LED. La LED est absolument mature et capable de remplacer n’importe quelle technologie traditionnelle, que ce soit en éclairage intérieur ou extérieur et quelles que soient les hauteurs considérées. La construction de ce composant permet sans conteste beaucoup plus de flexibilité qu’auparavant, où il fallait développer un système d’éclairage autour d’une source de lumière relativement volumique.

En termes de design, de développement, on a élargi le champ des possibilités avec, notamment en éclairage intérieur, des luminaires qui s’effacent ou au contraire qui sont présents de manière graphique, et qui permettent aux concepteurs lumière de jouer avec la lumière pour révéler l’architecture ou organiser les espaces.

Au-delà d’un simple remplacement, la LED, comme composant électronique, offre de nouvelles perspectives et davantage de souplesse d’utilisation : par exemple, le pilotage de l’éclairage et son intégration dans le Smart Building, ou encore la récupération de données, donc un flux dans les deux sens, ce qui est très intéressant. On éclaire différemment, se concentrant sur les besoins des utilisateurs comme avec les solutions « Human Centric Lighting » : la lumière accompagne les occupants dans les bureaux avec des variations automatiques d’intensité, de températures de couleur ; elle guide dans les circulations avec des détections de présence, améliore le confort, hiérarchise les espaces, crée des contrastes, etc. La LED a permis aux fabricants de développer leur propre approche pour révéler un bâtiment, mais elle a aussi ouvert les projets aux concepteurs lumière qui peuvent exercer leur savoir-faire avec une vraie thématique.

Enfin, n’oublions pas qu’avec la LED, on divise par 4 à 5 les consommations par rapport aux technologies historiques ; sans parler de la miniaturisation qui réduit les hauteurs en extérieur et rend les choses plus attrayantes.

Notre industrie dispose là d’une évolution technologique phare importante et plurielle dans son utilisation. La LED participe à la transition énergétique et contribue à la réduction des émissions des gaz à effet de serre puisqu’on baisse les consommations d’un facteur 4 avec des puissances installées divisées par 2. Malgré cela, les collectivités n’ont pas toujours les moyens de rénover leurs installations d’éclairage.

Que manque-t-il, selon vous, pour que la rénovation de l’éclairage s’opère plus systématiquement ?

Nous souhaiterions une vraie communication de l’État auprès des collectivités, des maîtres d’ouvrage publics comme privés, sur les gains que l’on pourrait obtenir avec une rénovation de fond de l’éclairage. Lorsque le poste éclairage est inclus dans les dépenses énergétiques au niveau global, le calendrier, les financements dans le cadre de la rénovation énergétique s’en trouvent plus compliqués. On sait que la rénovation de l’éclairage seul pourrait contribuer à une économie immédiate de 10 % de la facture globale du bâtiment. Les CEE représentent des aides fondées sur des critères de consommation, mais il existe aussi des critères de qualité dont la charte LED est garante.

Nous souhaiterions une vraie communication de l’État auprès des collectivités, des maîtres d’ouvrage publics comme privés, sur les gains que l’on pourrait obtenir avec une rénovation de fond de l’éclairage.

Julien Arnal

Un « coup de pouce », au-delà des CEE, pour inciter les collectivités à rénover serait le bienvenu. Le bâtiment a beaucoup souffert du confinement, avec un baromètre à -65 %/ -70 % pour le mois d’avril, et les chantiers sont repartis très partiellement et lentement depuis le mois de juin. Si les commandes reprennent doucement, les fabricants de l’industrie de l’éclairage n’ont pas fini, à l’heure où nous parlons, de livrer toutes celles passées avant le confinement.
Le Plan de relance nous offre deux motifs de satisfaction : tout d’abord, la mise en avant de la modernisation des systèmes d’éclairage, permise par le financement d’actions dites à gain rapide des bâtiments publics, dans le cadre de l’enveloppe globale de 4 milliards d’euros relative à la rénovation énergétique ; ensuite, la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui permet de financer les grandes priorités des communes ou de leurs groupements, notamment les bâtiments publics et l’éclairage public.

La mise en œuvre rapide, dès l’automne, de ces opérations de la commande publique est cruciale pour notre industrie, qui représente 7 000 emplois en France. Jusqu’à maintenant, nous avons tous essayé, le Syndicat de l’éclairage, la FIEEC et le Medef, de faire en sorte qu’il n’y ait pas de rupture de la chaîne financière, du client final au fournisseur de composants. Et, s’il le fallait, souscrire un PGE (prêt garanti par l’État) était un des moyens, pour certaines de nos entreprises, de ne pas assécher la trésorerie de leurs partenaires, représentant une belle solidarité dans une période difficile.

Ces orientations s’appliquent-elles également à l’éclairage extérieur ?

L’éclairage extérieur fait partie de l’environnement urbain et sa rénovation s’accompagne de l’abaissement des hauteurs de feu, permettant d’améliorer la qualité de l’éclairage avec des appareils plus fins, plus jolis, plus discrets, tout en réduisant les puissances.

L’arrêté de décembre 2018 n’est sans doute pas parfait pour les aficionados de la lumière que nous sommes, mais il a beaucoup de qualités. Le Syndicat de l’éclairage, mais aussi l’AFE, l’ACE, ensemble ou séparément, se sont beaucoup mobilisés pour parfaire la première mouture de ce texte afin d’aboutir à quelque chose de consensuel. Maintenant, avec l’aide des concepteurs lumière, il faut aller encore plus loin pour « éclairer juste ».

Propos recueillis en septembre 2020 par Isabelle Arnaud