À l’occasion de la seconde échéance – la principale, celle du 1ᵉʳ janvier 2020 – qui figure dans l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses, le Syndicat de l’éclairage fait le point sur ce texte et son évolution depuis un an.
Un texte qui n’a pas laissé indifférent
Il y a un an, le 27 décembre 2018, paraissait le premier texte réglementaire français concernant l’éclairage public. Jusqu’alors ce domaine était organisé par des normes techniques et des règles de bonnes pratiques, bien connues de toute la filière de l’éclairage. Mais cette nouvelle réglementation vint bouleverser ces règles sectorielles bien établies. En faisant fi de la norme, en imposant de nouveaux critères de conception des installations, il faut bien avouer que, depuis un an, ce texte a semé un certain trouble parmi ceux qui sont impliqués dans la réalisation de projets de qualité, des fabricants aux collectivités locales, en passant par les distributeurs de matériel électrique et les installateurs, sans oublier les concepteurs lumière.
Avril : point de vue du Syndicat de l’éclairage
En avril 2019, fort de plus de 3 mois de réflexions, échanges et concertation, le Syndicat de l’éclairage publiait le point de vue « Nuisances lumineuses : comprendre l’arrêté du 27 décembre 2019 » pour aider à l’application de cette réglementation. Car si certaines exigences sont très claires, d’autres le sont moins et laissent une certaine latitude à interprétation. Or, lorsque l’on parle de marchés publics, lorsqu’on engage son entreprise, on préfère s’appuyer sur des bases solides, préalables à de saines relations contractuelles, pour le bénéfice de tous.
Mai : un arrêté modificatif surprenant
Le Syndicat de l’éclairage, qui exhortait ses interlocuteurs du ministère à effectuer des modifications du texte réglementaire, fut très surpris de la publication en juin de l’arrêté du 29 mai 2019, modifiant l’arrêté du 27 décembre 2018.
Les représentants du ministère avaient en effet bien insisté sur les points suivants :
- au titre de la politique de simplification des normes, il n’est pas question de publier un arrêté supplémentaire,
- au titre du principe de non régression du droit de l’environnement, il n’est pas question d’assouplir les exigences de l’arrêté en vigueur,
- ayant été pris dans une relative urgence, suite à l’avis du Conseil d’État du 28 mars 2018, cet arrêté est le fruit d’un fragile consensus entre le ministère et les associations requérantes, qui n’hésiteraient pas à attaquer un texte qui ne répondrait pas à leurs attentes. À ce titre, les exigences sur l’ULR ne sont pas négociables, alors même qu’à quelques pour-cent près la conception (et le coût) des luminaires peut être fortement impacté,
- ayant entendu les doléances des collectivités territoriales, aucune exigence – ou presque – ne pèsera sur les installations existantes.
On pourra donc noter le fort décalage entre d’une part les exigences minimes applicables aux installations existantes, alors qu’elles sont par définition à l’origine de la pollution lumineuse ambiante, et d’autre part les exigences drastiques applicables aux installations à venir, alors que celles-ci font déjà l’objet de projets vertueux.
Après avoir surpris sur la forme, avec un texte dont la publication était annoncée comme impossible, l’arrêté du 29 mai 2019 surprend sur le fond également :
- alors que la rédaction initiale était correcte, il introduit une erreur de grammaire en supprimant le ‘s’ de ‘lumen’, accordé au pluriel. L’Académie Française nous l’a confirmé : « les noms communs d’origine latine s’accordent en nombre, et les lumens n’échappent point à cette règle »
- il précise utilement une exigence d’extinction pour un cas particulier (celui des éclairages des bâtiments non résidentiels définis au d) mais omet d’autres cas qui auraient pu aussi utilement être précisés : ainsi, les modalités d’allumage, le matin, sont fixées pour les éclairages extérieurs définis au a, mais pas pour les parcs et jardins (qui ne peuvent donc être allumés le matin avant que le soleil se lève ?). De même, les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel peuvent être allumés le matin, mais pas les éclairages des bâtiments non résidentiels définis au d ?!!
Ces exigences sur les horaires d’allumage/extinction auraient mérité une rédaction plus claire et exhaustive, n’omettant aucun cas de figure.
Il eut été plus judicieux de prescrire l’utilisation d’automatismes simples et éprouvés, capables d’allumer et d’éteindre selon la luminosité et la présence de personnes.
Juillet : nouvelle note du Syndicat de l’éclairage
Malgré un contexte tendu, le Syndicat de l’éclairage n’a eu de cesse d’entretenir, avec tout le secteur mais en particulier avec les services de l’État, un dialogue qui vise à appliquer au mieux, voire faire modifier, une réglementation attendue mais perfectible.
La rédaction d’un « Questions / Réponses » pour clarifier les différentes positions, celles du ministère, celles des fabricants, en juillet 2019, est l’illustration de cette démarche constructive. Transmis aux services de l’État, hélas sans réponse, puis exclusivement aux adhérents du Syndicat de l’éclairage, ce document a été rendu public : vous pouvez le consulter et le télécharger ici (et au bas de cet article).
Novembre : des informations du ministère
Le 18 novembre, le Ministère de la Transition écologique et solidaire a publié sur son site Internet une page qui rappelle le contexte de l’arrêté, et qui reprend les prescriptions pour chaque application.
Cette page a depuis été corrigée et le sera probablement à nouveau dans l’avenir en fonction des précisions supplémentaires que le ministère sera amené à apporter. À ce jour, la dernière modification de cette page est datée du 6 janvier 2020.
Elle a le mérite de proposer une lecture plus simple du texte, « par application », ainsi que des réponses à certaines questions cruciales. On pourra citer, à titre d’exemple mais sans exhaustivité :
- la démarche à adopter pour définir les niveaux d’éclairement à respecter pour le déplacement des personnes à mobilité réduite, puisque deux prescriptions contraires s’appliquaient,
- la définition des zones en ou hors agglomération, considérant le code de la route,
- l’exclusion des luminaires dont le flux lumineux est inférieur à 100 lumens, ce qui permet d’exclure les installations de balisage, ainsi que le Syndicat de l’éclairage en avait exposé les motifs,
- le classement dans la catégorie a) des voies d’accès aux bâtiments non résidentiels
Décembre : publication d’un troisième arrêté
Parmi les questions qui restaient encore en suspens, celle des lanternes dites « de style » était une des plus critiques. Il s’agissait des modèles historiques qui équipent nombre de lieux soumis au code du patrimoine, ces modèles qui sont même souvent devenus l’identité d’un lieu, telles les lanternes du pont Alexandre III de Paris, réalisées par notre adhérent Lenzi.
Ces installations ne pouvaient répondre aux prescriptions de l’arrêté. Pour prendre en compte ces spécificités, l’arrêté du 24 décembre 2019 modifiant l’arrêté du 27 décembre 2018 est publié le 1ᵉʳ janvier 2020.
Celui-ci dispose que « sont exemptés de seuil pour leur valeur nominale de proportion de lumière émise, jusqu’au 31 décembre 2023, les luminaires vérifiant l’une des conditions suivantes :
– le luminaire est présent à son emplacement depuis 1945 ;
– le luminaire reproduit un modèle présent avant 1945 et a été reconstitué à partir d’archives mentionnées au livre II du code du patrimoine ;
– le luminaire est protégé au titre des monuments historiques ou par le règlement d’un site patrimonial remarquable mentionnés au livre VI du code du patrimoine ou est intégré à un immeuble ou à un ensemble immobilier protégé à l’un de ces titres ou en application de l’article L. 151-19 du code de l’urbanisme ;
– le luminaire est intégré à un immeuble ou à un ensemble immobilier ayant reçu le label mentionné à l’article L. 650-1 du code du patrimoine. »
En clair, les lanternes de style sont exemptées des exigences sur l’ULR jusqu’en janvier 2024. Néanmoins l’exigence d’ULR strictement inférieur à 4 % pour l’installation perdure.
Grâce à cela, ces éléments du patrimoine culturel de notre pays sont préservés, ainsi que les entreprises spécialisées sur ces produits, qui sont pour la plupart labellisées Entreprises du patrimoine vivant !
D’ici 2024 il faudra évaluer les mesures à prendre pour continuer à faire vivre ce patrimoine.
2020 : le doute plane encore
Malgré les précisions du ministère, qu’elles soient réglementaires à travers les nouveaux arrêtés, ou indicative à travers son site Internet, d’autres éléments appellent encore des clarifications.
Pour les fabricants d’éclairage, celles concernant la définition du flux lumineux sont cruciales ! Les arrêtés ne donnent pas de définition et le ministère précisait que « pour un luminaire équipé de LED, si le luminaire ne peut être démonté afin de vérifier la source lumineuse […] le luminaire est à considérer comme une source lumineuse ». Ceci est en contradiction avec les normes techniques car le flux d’un luminaire LED, défini dans la NF EN 62722-2-1 comme le rappelle la Charte LED, n’est pas le flux de son ou ses modules LED ! De plus cela induirait un biais, les luminaires démontables et non démontables étant traités différemment, sans lien aucun avec leur impact sur les nuisances lumineuses.
Il est donc nécessaire de retravailler le texte réglementaire pour expliciter la définition du flux lumineux à prendre en compte pour le calcul de la densité surfacique de flux lumineux installé (DSFLI), qui doit être le flux assigné du luminaire équipé de son optique, déclaré par le fabricant.
En cette période de début d’année, le Syndicat de l’éclairage appelle donc de ses vœux une nouvelle modification de l’arrêté du 27 décembre 2018 afin de permettre l’application claire d’un texte réellement en faveur d’une réduction des nuisances lumineuses, sans négliger l’efficacité énergétique, qui reste la principale préoccupation des collectivités et des habitants.
En conclusion, et parce que de nombreux acteurs du secteur de l’éclairage l’ont réclamé, le Syndicat de l’éclairage publie aujourd’hui un mémento d’application de l’arrêté « nuisances lumineuses » : c’est le premier document de synthèse qui offre en un coup d’œil une vue globale des prescriptions essentielles du texte, par application.
Il permet aussi de vérifier dans quelles situations il n’y a pas de prescription applicable, ce qui n’est pas toujours évident.
Vous trouverez ce mémento à télécharger ci-dessous :