Ainsi, le ministère prit le 27 décembre dernier un arrêté relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses. L’objectif de ce texte est donc d’encadrer les pratiques d’éclairage en France, afin qu’elles soient cohérentes avec les objectifs environnementaux d’aujourd’hui.
Les fabricants d’éclairage, fédérés au sein du Syndicat de l’éclairage, saluent cette avancée réglementaire qui va désormais permettre d’éclairer au mieux les espaces extérieurs, conciliant attentes sociétales et protection de la biodiversité.
Toutefois, certaines dispositions du texte auraient pu être inscrites dans un guide de bonnes pratiques ou un référentiel afin de permettre une application plus souple de la norme par les collectivités territoriales en fixant des obligations de résultats et non de moyens. Nous avons en effet, depuis sa publication, pu observer que certaines formulations d’exigences sont difficiles à comprendre et ont soulevé de nombreuses questions d’interprétation : il est nécessaire de clarifier le texte afin qu’il puisse être bien compris, et bien appliqué.
La typologie des installations
L’article 1 décrit les différents types d’installations d’éclairage concernées. On y retrouve, de façon non exhaustive :
- catégorie a) éclairage extérieur destiné à favoriser la sécurité des déplacements, la sécurité des personnes, la sécurité des biens, et le confort des usagers. Cela peut être les éclairages de voirie, mais nous verrons que tout l’éclairage de voirie n’est pas dans cette catégorie
- catégorie b) éclairage de mise en lumière du patrimoine, c’est-à-dire les biens qui présentent un intérêt historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique. L’éclairage dit « de style » peut donc, selon l’usage, correspondre à cette catégorie (lancer une recherche Google pour avoir un aperçu des luminaires concernés). Dans cette catégorie figure aussi l’éclairage des parcs et jardins accessibles au public ou appartenant à des entreprises, des bailleurs sociaux ou des copropriétés. Enfin l’éclairage du cadre bâti est aussi dans cette catégorie, les cheminements aux abords des bâtiments sont donc dans cette catégorie
- catégorie c) éclairage des équipements sportifs de plein air ou découvrables. L’éclairage sportif à l’intérieur (gymnases par exemple) n’est pas concerné par cette catégorie, en revanche il est concerné par la suivante
- catégorie d) éclairage des bâtiments non résidentiels. Puisque ce texte remplace l’arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie, il traite de l’éclairage intérieur émis vers l’extérieur, ainsi que des façades et des vitrines (ce qui est appelé « l’illumination des bâtiments« )
- catégorie e) éclairage des parcs de stationnements non couverts ou semi-couverts. Le stationnement couvert ou souterrain n’est donc pas concerné
- catégorie f) éclairage événementiel extérieur. Cet éclairage est uniquement temporaire et utilisé à l’occasion d’une manifestation artistique, culturelle, commerciale, sportive ou de loisirs
- catégorie g) éclairage des chantiers en extérieur
Les installations qui ne sont pas listées dans l’article 1 ne sont donc pas concernées par cette réglementation.
La temporalité
La temporalité regroupe toutes les exigences liées à un horaire : ne pas allumer avant telle heure, ou éteindre après telle heure, etc.
En matière de temporalité, il faut noter qu’il n’y a aucune exigence pour ce qui est communément appelé « l’éclairage public » et qui est majoritairement dans la catégorie a) mais dont une partie (en particulier l’éclairage de style) se trouve en catégorie b)
En effet, l’esprit de la loi est de « permettre à chaque collectivité d’adapter ces dispositions aux spécificités de leurs territoires, en particulier en matière de sécurité publique« . Les élus avaient insisté pour le retrait des exigences de temporalité qui concernaient, et ont été écoutés par le ministère, comme le rapporte le Conseil National d’Evaluation des Normes.
La lumière émise vers le ciel
La lumière émise au-dessus de l’horizontale est définie par le texte comme « la valeur nominale de la proportion de lumière émise par le luminaire au-dessus de l’horizontale« . Les fabricants d’éclairage ont l’habitude de parler d’ULR et d’exprimer cela en % : un ULR de 5 % signifie que 5 % de la lumière sera émise vers le haut, et 95 % vers le bas.
Concernant l’ULR, les exigences du texte s’appliquent aux catégories a) et e) et il est bien normal que l’éclairage dit « fonctionnel » soit soumis à une obligation stricte car beaucoup de matériels le permettent aujourd’hui. Le texte fait toutefois la différence entre les luminaires achetés (ULR<1%) et les luminaires installés (ULR<4 %) : cette différence est due au fait que certains luminaires sont orientables.
Pour les luminaires qui ne sont pas orientables (ceux qui sont suspendus, ou installés de manière fixe et forcément verticale) il est donc admis le principe d’un ULR < 4 % pour le luminaire lui-même.
Une fois encore, les fabricants saluent cette démarche de progrès qui permettra d’éviter les installations mal conçues et qui peuvent causer des nuisances lumineuses excessives.
La densité surfacique de lumière
La densité surfacique de flux lumineux installé est le flux lumineux total de l’installation rapporté à la surface destinée à être éclairée, en lumens par mètre carré.
L’arrêté édicte des valeurs maximales limite selon les applications et selon les zones, hors agglomération et en agglomération.
Trois points en particulier méritent d’être explicités :
- la surface à considérer : c’est le maître d’ouvrage qui doit indiquer la surface à éclairer, et celui qui fera le calcul d’éclairage (bureau d’études ou fabricant) prendra en compte ces données de projet. Cette surface n’est pas limitée à une dimension horizontale : elle peut inclure des éléments verticaux afin de s’assurer de la bonne visibilité des piétons, obstacles et autres mobiliers urbains
- le flux lumineux à considérer : il s’agit du flux total sortant des luminaires équipés de leurs accessoires et optiques. On a pu lire ici ou là que le flux des lampes ou le flux des modules LED était à prendre en compte : or c’est bien le flux total des luminaires est à l’origine des éventuelles nuisances et qui est à prendre en compte. Cette donnée fait partie des informations que les fabricants du Syndicat de l’éclairage s’engagent à livrer : la Charte LED atteste de cet engagement
- les façades et l’éclairage intérieur des bâtiments de la catégorie d) ne sont pas concernés, du fait de l’absence de recommandations sur la manière d’effectuer les calculs et surtout de l’impossibilité de vérifier la conformité à ces exigences
Quelle température de couleur pour l’éclairage intérieur ?
Poursuivons avec les installations d’éclairage de la catégorie d) qui a le même champ d’action que l’arrêté du 25 janvier 2013, que cet arrêté abroge.
À ce titre les exigences de température de couleur ne peuvent s’appliquer à l’éclairage intérieur, il reste donc possible d’éclairer les commerces, les bureaux et tout autre lieu de travail avec une température de 4000 K par exemple.
Ainsi, les éclairages dynamiques et biodynamiques, qui impliquent des variations de lumière en flux et en température de couleur, reste aussi possible, pour le plus grand bénéfice des utilisateurs de ces bâtiments.
Accessibilité des personnes handicapées
Il n’est pas concevable que le ministère ait envisagé de réduire les prescriptions – qu’il a lui-même rédigées – permettant aux personnes handicapées de circuler en sécurité. On s’efforcera donc d’assurer au moins 20 lux pour les cheminements extérieurs, conformément à l’esprit des textes réglementaires déjà parus.
Pour mémoire, l’arrêté du 8 décembre 2014 (pour les bâtiments existants) et l’arrêté du 20 avril 2017 (pour les bâtiments neufs) relatifs à l’accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public disposent à leur article 14 que le dispositif d’éclairage artificiel permet d’assurer des valeurs d’éclairement moyen horizontal mesurées au sol d’au moins 20 lux pour le cheminement extérieur accessible ainsi que les parcs de stationnement extérieurs et leurs circulations piétonnes accessibles.
Le site dédié du ministère récapitule l’ensemble de ces exigences.
Ainsi :
- l’arrêté du 27 décembre 2018 n’indiquant aucune précision sur le type d’éclairement, il s’agit d’une valeur d’éclairement moyen horizontal mesuré au sol (et non une densité surfacique)
- l’arrêté du 27 décembre 2018 ayant repris le champ de l’arrêté du 20 avril 2017 pour définir l’exception accordée pour l’accessibilité des PMR, le champ de l’arrêté du 20 avril 2017 s’applique par défaut
- l’arrêté du 20 avril 2017 exigeant 20 lux minimum d’une part, et l’arrêté du 27 décembre 2018 exigeant 20 lux maximum d’autre part, cette disposition est inapplicable en pratique, car exiger une valeur cible fixe pour un éclairement moyen n’est pas réaliste ! Rappelons notamment que les grandeurs photométriques s’entendent avec une tolérance de 10 %. Par mesure de sécurité, on s’attachera donc à respecter la réglementation accessibilité et donc d’assurer au moins 20 lux pour les cheminements extérieurs concernés, tout en veillant à limiter et réduire les nuisances lumineuses, notamment les troubles excessifs aux personnes, dans l’esprit de l’article 4 de l’arrêté du 27 décembre 2018. A ce titre, viser un éclairement moyen horizontal au sol entre 20 et 30 lux à la mise en service est une bonne pratique.
Eclairage de balisage
Depuis longtemps les fabricants d’éclairage font la distinction entre les produits d’éclairage et les produits de balisage : si les deux émettent de la lumière, ce n’est pas en quantité comparable et la finalité est très différente.
L’éclairage a pour fonction d’éclairer une surface, une personne, un objet. C’est la lumière réfléchie sur l’élément éclairé que notre oeil perçoit ; en effet ces luminaires ne sont pas fait pour qu’on les regarde directement, notre oeil serait trop ébloui !
Le balisage n’éclaire pas : il a pour fonction d’envoyer un signal lumineux, directement perçu par l’oeil, qui souligne un cheminement, un relief, un obstacle, ou un élément de voirie. Le balisage fonctionne mieux lorsqu’il n’y a pas beaucoup d’éclairage, car c’est par définition une lumière plutôt réduite : lorsqu’on met un point de balisage dans la nuit noire, l’œil va très bien le distinguer, en revanche si il y a beaucoup d’éclairage public autour on aura du mal.
Favoriser le balisage est donc un moyen de réduire l’éclairage, et donc les nuisances lumineuses !
Cette notion est importante car pour atteindre notre oeil, le balisage – souvent placé au sol ou en partie basse – doit être dirigé en partie vers le haut, ce qui est incompatible avec une exigence d’ULR stricte. De manière évidente, des luminaires de balisage par exemples encastrés dans le sol ne peuvent avoir un ULR < 1 %.
Dans une logique de maîtrise des volumes de lumière et d’abaissement des niveaux d’éclairement, il est donc acquis que les installations de balisage ne sont pas concernées par l’arrêté du 27 décembre 2018, puisque ce ne sont pas des installations destinées à éclairer, mais plutôt à signaler un danger ou un risque pour assurer la sécurité des usagers des espaces extérieurs.
Le comble des luminaires encastrés de sol
De nombreuses installations lumineuses de mise en valeur des façades, bâtiments, végétaux ou autres éléments architecturaux utilisent des luminaires encastrés de sol. Par construction, ces installations ont un ULR > 50 % et devraient donc, selon l’article 8 de l’arrêté du 27 décembre 2018, être remplacées par des luminaires conformes au plus tard le 1ᵉʳ janvier 2025.
Or ces installations font majoritairement partie de la catégorie b) qui n’est soumise à aucune exigence concernant la lumière émise par le luminaire au-dessus de l’horizontale, ce qui signifie qu’il est possible d’installer des luminaires encastrés de sol en lieu et place de luminaires encastrés de sol…
Bien entendu, en matière de nuisances lumineuses, le gain d’une telle opération est nul.
Il s’agit là probablement d’une erreur plutôt que d’une réelle volonté du législateur, et nous espérons que les maîtres d’ouvrage profiteront de cette opération de rénovation pour choisir des installations « conçues de manière à prévenir, limiter et réduire les nuisances lumineuses, notamment les troubles excessifs aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l’observation du ciel nocturne« .
Les parcs de stationnement semi-couverts
Les parkings aériens à étages, les parkings « silo » ou encore les parkings en superstructure largement ventilés (PSSLV) correspondent tous à la définition des parcs de stationnements semi-couverts donnée au e de l’article 1er. Or tous ces bâtiments ont une chose en commun : l’éclairage de tous les niveaux – sauf du dernier – est installé au plafond.
Il est donc très similaire à l’éclairage de l’intérieur d’un bâtiment, et il n’est pas réaliste de lui appliquer l’exigence de proportion de flux lumineux émis dans l’hémisphère inférieur dans un angle solide de 3π/2 sr. Et ce, d’autant moins que c’est un éclairage installé sous une faible hauteur et qui doit éclairer des cheminements à des niveaux d’éclairement assez faible : cela est réalisable avec des photométries extensives, et appliquer d’autres contraintes photométriques imposerait des interdistances de luminaires raccourcies, et donc un nombre de luminaires installés bien supérieur.
L’exigence relative à la proportion de lumière émise au-dessus de l’horizontale n’est pas non plus applicable à ces luminaires, qui sont fixés au plafond !
En conclusion, pour les parcs de stationnement semi-couverts, les exigences du II 1/ et 2/ de l’article 3 ne s’appliquent qu’au dernier niveau, qui est découvert.
Les autres exigences s’appliquent indifféremment à tous les niveaux.
Et la mise en conformité ?
Toutes les exigences précitées concernent les installations neuves ou mises en service après le 1er janvier 2020, qui doivent les respecter.
Pour les installations existantes, certaines exigences sont applicables depuis le 1er janvier 2019, d’autres le seront en 2021 et d’autres encore en 2025 mais de manière générale il y a peu de contraintes qui pèsent sur les installations existantes.
Toutefois, dans l’esprit de la loi, les « boules lumineuses » sont particulièrement visées, ainsi que l’indique la délibération du Conseil National d’Evaluation des Normes. Celles-ci devraient être remplacées avant 2025.
Malheureusement, ces boules lumineuses sont décrite dans le texte comme les « installations lumineuses dont la proportion de lumière émise par le luminaire au-dessus de l’horizontale en condition d’installation est supérieure à 50 %« . Or de nombreux luminaires de type boule, voire boule avec calotte, ou d’une autre forme, ont un ULR certes élevé mais pas supérieur à 50%… ils ne sont donc théoriquement pas concernés.
Lors de l’élaboration de cet arrêté, et en particulier lors de la consultation publique, le Syndicat de l’éclairage avait proposé de classer toutes les installations avec un ULR > 30 %, fortement génératrices de nuisances, comme obsolètes car énergivores et donc à remplacer en priorité. Nous sommes au regret de constater que la valeur retenue de 50 % permettra à certains de ces luminaires de rester en place encore longtemps.
À noter qu’en matière de définition de la notion « d’installations lumineuses« il n’est jamais précisé le périmètre de l’installation : l’opération de remplacement d’un luminaire relève-t-elle de ce périmètre ? Si non, à partir de combien de luminaires remplacés considère-t-on qu’il s’agit d’une installation lumineuse ? Ou sinon, les mâts et les réseaux d’éclairage étant dédiés à cette fonction, doit-on considérer qu’ils font partie de l’installation lumineuse et donc la mise en service est définie par l’installation ou la réfection totale de ces matériels ?
Si la question de ce périmètre, pourtant cruciale pour les maîtres d’ouvrage qui doivent savoir quelles exigences appliquer, est encore à résoudre par le ministère, nous pouvons toutefois rappeler que les opérations de maintenance courante ne sont pas soumises aux obligations des installations mises en service après le 1ᵉʳ janvier 2020 : remplacer une lampe ou même un luminaire sur une installation existante ne correspond pas à la mise en service d’une installation.
Pour être explicite : dans une rue qui serait éclairée par des luminaires équipés de lampes d’une température de couleur de 4000 K, il est possible de remplacer les lampes à l’identique, en conservant la température de 4000 K.
Pour aller plus loin
Cet article n’a pas vocation à expliquer tout le contenu de l’arrêté du 27 décembre 2018 mais plutôt de faire la lumière sur les points qui prêtaient à discussion. En effet cette situation floue causait du tort à toutes les parties prenantes qui avaient du mal à se positionner.
Nous espérons que ces éléments auront permis d’éclairer le lecteur sur « le luxe de détail que les Maires vont devoir lire, comprendre, et mettre en œuvre dans la dynamique de la supposée « simplification » des Normes qui leur sont imposées« , pour reprendre les propos d’Alain Lambert, Président du Conseil National des Normes.
Par ailleurs, un document de synthèse de 3 pages est également proposé par les experts du Syndicat de l’éclairage pour offrir une vue d’ensemble de cette réglementation. Vous pouvez télécharger ce document ici.
Article initialement publié le 1er avril 2019 et soumis à modification selon les éventuelles publications attendues du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire.