Comment décontaminer l’air ? Après bientôt 2 ans de pandémie, cri d’alerte de François Darsy, Signify France, Président du Groupe de travail « Systèmes de désinfection par UV-C » du Syndicat de l’éclairage.
Le faisceau de preuves sur la transmission de la Covid19 par aérosol fait désormais consensus, le Center For Disease Control And Prévention américain l’affirme depuis plusieurs mois (lien vers le site) et Valérie Pernelet-Joly, Cheffe de l’unité Évaluation des risques liés à l’air, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’explique encore dans un article mis à jour cette semaine sur le site The Conversation (lien vers l’article).
En complément du port masque et de la stratégie vaccinale qui restent des piliers indispensables de la lutte contre la contamination, il convient aussi de décontaminer l’air que l’on respire à l’intérieur pour lutter contre la pandémie.
Au-delà la crise du Covid19, la décontamination de l’air est un enjeu majeur pour lutter contre toutes les maladies aéroportées qui sont particulièrement contagieuses (grippes, Covid, bronchiolites, rhumes saisonniers, varicelle, etc…), connues ou à venir.
Notre doctrine actuelle pour décontaminer l’air est inadaptée
Pour réduire la charge virale transmise par aérosols, la stratégie recommandée en France (mesure du CO2 + aération) est malheureusement inadaptée.
En confondant qualité de l’air en général (humidité, CO2, COVs, polluants, etc.) avec la décontamination de l’air (virus et bactéries), on mélange les problématiques et donc les solutions à apporter, et surtout on nivelle par le bas.
L’injonction du HCSP d’aérer les pièces (cf. les recommandations de l’automne 2020 sur le site du HCSP), ou encore le protocole gouvernemental pour les entreprises qui demande d’aérer 10 minutes toutes les heures (lien vers le protocole en vigueur au 3 janvier 2022), ne qualifient pas correctement le renouvellement d’air des pièces. Or on sait qu’il faut viser 6 à 10 renouvellements d’air par heure minimum pour une décontamination efficace.
On est loin du compte :
- La plupart des systèmes de ventilation mécanique en place dans nos batiments ne sont capables d’atteindre que 1 à 2 renouvellements du volume d’air par heure. C’est très largement insuffisant pour une décontamination efficace. De nombreux sites sont d’ailleurs confrontés à des niveaux de CO2 trop élevés mais ne savent pas comment agir : comment aérer dans un immeuble de grande hauteur (IGH) ou dans des lieux dépourvus de fenêtres ou lorsque la ventilation mécanique n’est pas suffisante ? En pratique on aura tendance à s’habituer à un indicateur CO2 dans le rouge.
- Quant à l’ouverture des fenêtres, l’efficacité dépend de la différence de températures de l’air intérieur/extérieur, de la taille des fenêtres et de la géométrie de la pièce, ça ne garantit rien du tout ! En revanche lorsque c’est efficace, ouvrir les fenêtres a un impact énergétique très significatif. Cela va à l’encontre de toutes les bonnes pratiques de maitrise de l’énergie dans le bâtiment, en particulier celles mises en oeuvre dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Enfin son impact sur le confort est tel qu’en pratique elle n’est pas respectée dès lors qu’il fait trop froid.
Il faut changer de méthode
Il est possible de découpler les problèmes et décontaminer l’air séparément des autres paramètres de qualité d’air.
En général, il est possible d’optimiser les systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVC) en place dans les bâtiments existants pour traiter la qualité de l’air (polluants). Néanmoins, cela ne permet pas de décontaminer efficacement l’air pour éviter la transmissions de maladies comme la Covid 19.
Pour traiter les virus et bactéries en suspension dans l’air, il est préférable de décontaminer l’air in-situ, au plus proche de la source de contamination, dans chaque pièce.
Nos voisins européens l’ont bien compris et programment massivement la mise en œuvre de purificateurs d’air dans les lieux critiques (les cantines scolaires, écoles, crèches…), ainsi que l’illustre cet exemple en Allemagne.
Comment décontaminer l’air ?
Dans son dernier avis disponible sur le sujet, le HCSP déconseille toujours l’usage de purificateurs d’air par UV-C (lien vers l’avis du 21 mai 2021). Si la ventilation n’est pas suffisante et aucune autre solution n’est applicable, il envisage des purificateurs mobiles, mais uniquement ceux utilisant des filtres HEPA H13/H14 et uniquement avec une étude aéraulique. Il est d’ailleurs ironique que l’avis ne prennent pas en compte ces considérations aérauliques pour l’ouverture des fenêtres.
Cette approche conservatrice à un coût important car :
- les filtres HEPA produisent une perte de charge qui conduit a surconsommer pour assurer le flux d’air minimal (ou a réduire le flux, donc le débit d’air traité) ;
- il faut remplacer régulièrement ces filtres HEPA (cher et critique à effectuer car ils sont potentiellement chargés en virus).
La technologie UV-C pour décontaminer l’air
L’efficacité des UV-C pour la désinfection de l’eau des surfaces et de l’air est établie depuis longtemps.
Les purificateurs d’air UVC ne filtrent pas les particules mais ils désactivent les virus et micro-organismes en suspension.
Ceux-ci n’ont pas de filtres à changer, et n’occasionnent aucune perte de charge. Dans le cas de luminaires UV-C upper room, ils sont sans aucune ventilation forcée, et donc totalement silencieux.
Ces dispositifs sont surtout considérablement moins chers à l’usage qu’une surventilation énergivore, en particulier lorsqu’il faut refroidir ou réchauffer un air renouvelé dix fois par heure !
Enfin, les dispositifs de désinfection par UV-C ont fait leurs preuves depuis très longtemps, dans la lutte contre la tuberculose notamment.
Ils sont radicalement efficaces car permettent d’atteindre facilement un taux supérieur à 10 renouvellement du volume d’air de la pièce par heure.
C’est pourquoi de nombreuses organisations de références incitent à l’usage des UV-C dans la lutte contre la pandémie :
- L’OMS a récemment dédié un webinaire complet sur ce sujet : Disinfection using Ultraviolet Radiation (who.int)
- Le CDC américain a publié un article pour expliquer l’intérêt des systèmes semi-ouverts : Upper-Room Ultraviolet Germicidal Irradiation (UVGI) | CDC
- Le label WELL, qui certifie le bien être des occupants dans les bâtiments, incite à la mise en œuvre de solutions UV-C pour la qualité de l’air
- Les professionnels de la CVC : REHVA (en Europe) ou encore ASHRAE (au niveau mondial) incluent les dispositifs de désinfection par UV-C dans l’arsenal de lutte contre les virus & bactéries aéroportés
Pourquoi cela bloque ?
En France, ni l’Anses, ni l’INRS, ni le HCSP n’ont encore évalué cette technologie.
La dernière audition publique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) illustre tristement le biais et la confusion persistante des différents acteurs entre les problématiques (pollution de l’air vs contamination de l’air) et les moyens (mesure du CO2 ; focus sur le renouvellement de l’air et une filtration à minima). Le rapport complet est disponible ici, et l’audition peut être visionnée via ce lien.
Durant cette audition, il a été posé des questions sur la mise en place des systèmes UV-C pour décontaminer l’air, mais elles n’ont malheureusement pas trouvé de réponse (voir notamment à 02:32:40 puis 02:47:20).
C’est dommage, compte tenu de l’avancée des connaissances sur ces technologies, sur les modes de contamination, et sur l’expérience acquise dans ce domaine.
La décontamination de l’air grâce aux UV-C est une technologie sûre et radicalement efficace. Les études, les données sont disponibles. Nous avons un retour long d’expérience sur leur dimensionnement, leur efficacité et leur mise en oeuvre en toute sécurité.
François Darsy – Signify France
Aujourd’hui la filière est prête
En France, les UV-C protègent déjà des patients dans les salles d’attente des hôpitaux, les enfants et le personnel des écoles ou de cantines scolaires, des restaurants d’entreprises, des bureaux, etc. mais cela reste encore trop marginal en terme d’impact faute d’une doctrine claire.
Il est dommage d’attendre et voir le train passer, tandis que les autres pays agissent : Belgique, Allemagne, Royaume Uni, Etats-Unis, Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong.
Si elle persiste, à l’heure où tous les moyens devraient être mis en oeuvre pour lutter contre la pandémie, la France va passer à côté d’une stratégie efficace et rapide a mettre en œuvre dans les espaces à risque.
Pour aller plus loin, le Syndicat de l’éclairage, en partenariat avec l’AFE, met librement à disposition la publication « Les UV-C, levier majeur dans la lutte contre toutes les pandémies »